Portrait d’agent #8 / Scherhazad, manager de secteur : « je veux embarquer tout le monde ».

Ce n’est pas encore la campagne, mais ce n’est plus tout à fait la grande banlieue. Au loin, l’une des tours de contrôle de Roissy émerge : c’est depuis la gare de Mitry-Claye que Scherhazad gère un vaste secteur, comprenant plusieurs gares du RER B. Agent SNCF depuis de nombreuses années, elle y est pourtant entrée sur un simple coup du destin.

Les habitués la reconnaissent, et sa silhouette est devenue familière tant aux agents qu’à de nombreux clients : Scherhazad connaît tout le monde ici. Adorant le contact, détestant l’immobilisme – voir le conformisme – il dégage d’elle une énergie qu’elle a su insuffler à chacune de ses étapes professionnelles. C’est en 2008 que tout débute. Munie d’un diplôme de commerce international, elle prend en charge le devenir professionnel de son petit frère : « je voulais qu’il se bouge ». Elle s’attache à remplir un dossier de candidature spontanée auprès de la SNCF pour ce dernier, avant de réaliser, lorsque l’accusé de réception lui parvient, qu’elle l’avait rédigé avec ses propres informations. Acte manqué ou pas, la suite ira vite, puisqu’elle se rend au final pour elle-même au rendez-vous fixé.

Un début par le fret

Après un premier entretien de groupe, avec des candidats uniquement masculins, on lui demande si elle confirme bien vouloir poursuivre le processus entamé : « bien sûr » répond Scherhazad, qui se retrouve, après de multiples tests, embauchée par la filière dédiée au fret en devenant « Gestionnaire de commandes » au sein du pôle charbon-acier, qui compte de grandes multinationales parmi ses clients. Elle le dit sans ambages : « je me suis éclatée ». Et pourtant, 2008 est également l’année de la crise financière dont chacun garde le souvenir, et qui conduit à une première réorganisation. Elle rejoint dès lors une nouvelle filière appelée Maxifret. « On nous demandait des choses incroyables, mais c’était autant de challenges à relever ».  En effet : la structure se fait fort de proposer des solutions aux transports sur rail de matériels hors-gabarit, allant de pièces nucléaires à celles touchant au domaine militaire, en passant par des tracteurs à expédier en Russie, par exemple. Assistante commerciale puis commerciale, elle fait réaliser des études sur demande, aboutissant à 42 signatures de contrat. En parallèle, elle établit les plans de transport, la facturation et le service après-vente. « C’était presque une PME, on faisait tout, c’était très formateur ». Elle restera au sein de Maxifret jusque mi-2014.

Une étape par l’ingéniérie

Alors en poste depuis 4 ans, elle met à profit son expérience pour rejoindre SNCF Ingéniérie & Projet  et devient assistante marketing. Elle répond aux appels d’offre et gère l’événementiel de cette structure basée à proximité du Stade de France. Elle fait connaître les services du pôle dans divers salons d’ingénieurs, et assure la rédaction d’une newsletter et la tenue des ateliers marketing entre les différents métiers de l’entité.

Autotrain et la reprise des études

2015 est une nouvelle année chargée, à plus d’un titre : c’est la naissance de SNCF Réseau, qui engendre une nouvelle restructuration, et coïncide avec le souhait de Scherhazad de rejoindre une autre entité. Direction Autotrain, où elle devient responsable matériel : elle s’assure de la maintenance des wagons porte-automobiles, à une époque où les liaisons étaient quotidiennes avec le sud-est et le sud-ouest de l’hexagone. C’est aussi à ce moment que Scherhazad décide de reprendre ses études : dans le cadre du droit à la formation, elle réalise en 18 mois un programme de Master 2 de management dans une école de commerce (en partie financé par la SNCF). Elle suit ses cours les vendredis et samedis, et parfois pendant une semaine entière, l’ensemble en poursuivant sa fonction au sein d’Autotrain. Avoir mené de front ces études poussées et un poste aussi prenant, « J’en suis fière » confie l’intéressée. Histoire de rester dans le ton, son mémoire s’intitule « Transformation managériale avec le digital », qui lui vaudra l’une des meilleures notes de sa promotion : 16,89.

Elle le savait : le service allait vers une fermeture, laquelle s’est produite en 2019. Scherhazad est restée jusqu’au bout de celui-ci, prenant en charge en supplément les postes vacants non-remplacés, comme le service après-vente. Elle met en place un système de reconnaissance automatique de voitures, car la gestion du parc automobile confié est chose compliquée : autant de temps, et d’efficacité, gagnés. Scherhazad passe un contrat avec une start-up permettant au service d’être irréprochable, et d’archiver de manière digitale de nombreux dossiers clients.

Le RER B : première expérience managériale

En juillet 2019, Scherhazad arrive sur le RER B, un poste qu’elle choisit parmi plusieurs proposés. Elle devient Manager de secteur, une aubaine pour la résidente de Sevran-Livry. Sa feuille de route ? « Assurer le service des agents des gares pour un excellent service des clients ». Elle arrive sur la réserve, n’ayant jamais véritablement connu d’expérience managériale. Son secteur, qu’elle considère comme une « petite PME », compte plusieurs gares du RER B (Mitry-Claye, Sevran-Livry, Vert-Galant, Villeparisis) et 3 situées dans le prolongement vers le nord-est, sur la ligne K (Mitry, Compans, Thieux-Nantouillet) et une quarantaine d’agents sous sa responsabilité, dont 7 encadrants. Pendant deux ans, jusqu’à aujourd’hui, Scherhazad prend à cœur son métier, avec un crédo simple : « pour que le client soit satisfait, il faut que les agents le soient ». Alors, des travaux en gare à l’interaction avec les mairies ou SNCF Réseau (pour les travaux qui concernent son secteur) en passant par les ressources humaines, elle met à profit son expérience et son approche pour « embarquer tout le monde » : points de prévention-sécurité avec les agents, franchise revendiquée lors des réunions avec ces derniers, mise en place d’un debrief digital signalant les problèmes divers afin de gagner en réactivité, tout y passe. « Je respecte l’histoire, la façon de penser et l’intelligence opérationnelle de l’agent, et une fois ces bases de travail lancées, on peut travailler en équipe, tous ensemble », explique-t-elle, ajoutant que c’est un poste « pendant lequel on ne coupe jamais, car on la charge de la sécurité des clients et des agents ».

Et pourtant, Scherhazad rendra bientôt son poste. La raison ? Le cursus « jeunes cadres » de la SNCF, dans lequel elle est entrée, l’engage à effectuer deux années en poste opérationnel – ce qui est donc fait – et deux années en fonctionnel, au siège. D’ici quelques semaines, elle prendra la direction du campus SNCF, à Saint-Denis, pour devenir formatrice-conceptrice. Le but : transmettre aux futurs managers de secteur ses acquis. Reconnaissant partir « le cœur gros », elle a pleinement conscience des nécessités de ce cursus, dont elle aborde avec enthousiasme la seconde partie.

Ces deux années sur le RER B ? « Atypiques, avec notamment la crise sanitaire, qui a tout chamboulé ». Son image de la ligne ? « Contrastée, mais avec toutes les changements à venir, et les travaux en cours, cela s’améliorera ». La suite pour elle ? « Pleine de confiance ». Tout est dit.

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